Une de mes amies est sur le point d’accoucher. Quinze petits jours la séparent du terme. Premier bébé qu’elle assume seule.
Elle a beaucoup réfléchi à son accouchement. Afin de pouvoir partager au mieux ses souhaits avec l’équipe soignante, elle a écrit un projet de naissance. Elle a visité la maternité et s’est entretenue avec la sage-femme référente sur son projet. Contre toute attente, cette dernière a parfois semblé gêné et lui a vivement conseillé de voir directement avec son gynécologue deux ou trois points. Non pas que son projet de naissance ne soit pas réalisable. Il est, somme toute, classique. Mais certaines demandes pourraient ne pas être les bienvenues du côté de son gynécologue.
Or, c’est lui qui doit normalement l’épauler pendant son accouchement après avoir suivi toute sa grossesse. Rassurant, n’est-ce pas ? Pas si sûr.
Elle prend rendez-vous pour en discuter et lui exprime son souhait d’accoucher dans la position dans laquelle elle se sentira le mieux. Demande classique et légitime, pensez-vous. Pourtant, le gynécologue tique. Il commence par dire que le moment venu, des aménagements sont possibles mais qu’à son sens, la position gynécologique est la plus physiologique.
Lorsque je lis ces lignes, la colère monte en moi. Chacun sait que la position gynécologique est la moins physiologique qui soit. Le bassin n’est pas en mouvement, la gravité ne peut pas jouer. La preuve, c’est une position que généralement naturellement les femmes ne prennent pas si on les laisse libres de leurs mouvements. A quatre pattes, assise, accroupie ou même sur le côté sont bien plus adaptées. Il suffit de regarder chez nos anciens pour s’en convaincre. Un jour que je visitais le musée alsacien de Strasbourg, un objet a particulièrement attiré mon attention. Il s’agissait d’une chaise avec un large trou en forme de « u » et des poignées montantes pour y déposer ses mains : c’était une chaise d’accouchement. Déjà utilisée durant l’Antiquité, elle le sera jusqu’au XIX ième siècle en Alsace.
En revanche, accoucher sur le dos, les pieds dans les étriers, c’est la position la plus confortable pour le médecin. Il peut être assis, le bébé est à hauteur de mains, il n’a pas à se mettre à quatre pattes ou allongé par terre pour accueillir le bébé. C’est pourtant nous qui accouchons, c’est nous qui sommes en souffrance et c’est encore à nous de faire l’effort de nous adapter à ce qui est le plus facile et agréable pour le médecin : on marche sur la tête !
S’il lui avait dit :
« Ecoutez, je préfère la position gynécologique car elle est plus confortable pour moi », ça serait au moins honnête. Mais dire qu’elle est la plus physiologique, c’est non seulement malhonnête mais c’est aussi nous prendre pour des imbéciles. Au cas où ce Monsieur ne le saurait pas, nous bénéficions en France, de préparations à l’accouchement et internet grouille d’article sur l’accouchement physiologique. Nous sommes informées !
Mais le clou de l’entretien reste tout de même cette perle. Mon amie craint l’épisiotomie et lui en parle ouvertement. Lorsqu’elle lui demande si, au moins, il la préviendra, il lui rétorque, maintenant passablement énervé :
« S’il y a épisiotomie, inutile de vous prévenir. On sera dans le cas d’une nécessité absolue. Vous ne sentirez rien, même sans péridurale car vous serez dopée aux hormones et il y aura beaucoup de pression sur le vagin. Vous vous en rendrez compte au moment où je vous suturerai car je vous anesthésierai ».
J’avoue que lorsque j'ai entendu ces paroles, les bras m’en sont tombés. D’abord, ne pas prévenir la parturiente qu’on va lui faire une épisiotomie n’est absolument pas entendable. Sans m’attarder sur la légitimité et la nécessité de cet acte par ailleurs fortement remis en question, ne pas prévenir n’est absolument pas normal. Quand on sait les choses avant, on les vit mieux après. Les découvrir à postériori, c’est vraiment se sentir trahi.
Ensuite, qui est ce médecin pour décréter que mon amie ne sentira rien ? Il est vrai qu’il est le meilleur placé pour savoir ce que l’on sent ou l’on ne sent pas : il a déjà accouché sans péridurale, eu une épisiotomie à vif pour pouvoir se prononcer sur les sensations. A-t-il au moins interrogé ses patientes sur leurs ressentis ? Car il suffit de discuter avec des femmes qui l’ont vécu pour savoir qu’on sent les choses. Notre attention est certes focalisée sur un autre objectif, celui de donner la vie, d’autres douleurs nous assaillent mais on sent bien qu’on nous entaille la chair !
Enfin, quand elle lui fait part de ses insomnies depuis le neuvième mois, il lui dit simplement « c’est le corps qui se prépare aux mois qui vont suivre l’accouchement ». L’idée d’aider sa patiente à mieux dormir pour affronter ces premiers temps, peut-être en lui proposant de parler de ce qui l’inquiète, ne lui vient apparemment pas à l’esprit. C’est vrai que c’est plus rapide de répondre ainsi. Ça ne laisse place à aucune discussion.
Avez-vous envie d’accoucher avec ce genre de médecin ? Moi pas.
Ce qu’on ne peut pas lui reprocher, c’est de ne pas être clair sur ses intentions.
L’objet de cet article, c’est de souligner l’importance de se préparer, de savoir ce que l’on veut et ne veut pas et de le partager avec l’équipe soignante.
Un projet de naissance est un écrit qui doit servir de fil rouge au personnel soignant dans l’accompagnement de votre accouchement. Il est une boussole.
Ensuite, il vous permet de ne pas répéter dix fois la même chose. Chaque soignant qui vient à votre rencontre doit en avoir pris connaissance. Il est plus rapide de leur demander de le lire si ça n’est pas déjà le cas, plutôt que de rentrer dans des explications parfois difficiles à donner du fait de la douleur. Et il est d’autant plus important si vous n’êtes pas accompagnée le jour J. Car personne ne sera à vos côtés pour rappeler vos souhaits. Il y aura vous et votre projet de naissance.
Au-delà d’écrire ce projet de naissance, le partager est crucial. Voir les réactions des soignants, c’est aussi savoir à qui on a à faire. Et c’est se donner la possibilité de changer de médecin. Pour avoir plus de latitude, je conseille donc de le partager bien avant la date du terme.
Changer de médecin ? Plus facile à dire qu’à faire. Je ne sous-estime en effet pas la difficulté de trouver un autre professionnel tant en terme psychologique (c’est quand-même lui qui a suivi toute votre grossesse) qu’organisationnel (vers qui d’autre aller ?), et notamment si tout cela se fait « last minute ». J’imagine aussi facilement une certaine culpabilité de quitter un médecin avec lequel vous avez échangé neuf mois durant.
Alors, je donnerai le conseil suivant. Regarder vers le futur. Qu’est-ce qui est le plus important ? Faire plaisir à quelqu’un et ne pas le vexer, sachant que lui n’a pas clairement pas la même délicatesse envers vous ? Ou accoucher comme vous l’entendez ?
Avoir un accouchement que l’on a choisi est en effet essentiel pour la suite. Car cela peut avoir un impact déterminant sur la relation mère-enfant.
Pour certaines d’entre nous, nous accoucherons une fois seulement. Alors autant faire de ce moment unique un moment qui nous ressemble.
La décision reste néanmoins avant tout la vôtre.
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Diane Léonor a écrit un premier livre « Deux corbeaux et une cigogne » à paraître aux Éditions Michalon. Elle y raconte le vécu de fausses couches consécutives et l’accompagnement des soignants. Mais aussi le bonheur de la grossesse et d’un accouchement choisi.
Pour aider les couples, elle a créé le site Gloria Mama où on retrouve les enjeux et les messages clefs de son histoire ainsi qu’un podcast du même nom. Florilège de témoignages de femmes du monde entier et d’interviews de professionnels, elle invite à s’interroger sur ce que les femmes souhaitent pour que leur grossesse et accouchement restent des moments uniques de leur vie, vécus de manière positive et respectés par le corps médical.
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